electrocd

Avec de tels compositeurs, le Québec n’a sans doute jamais été aussi libre… Octopus, France

Some of the most satisfying electronic music I’ve heard in a while. microsound, ÉU

Ce 2e disque de Gilles Gobeil nous invite dans son imaginaire sonore fantastique. Il nous offre 4 œuvres qui nous transportent dans un rêve (ou est-ce un cauchemar?) inimaginable. Fidèle à son style, sa musique est riche en atmosphères et ambiances très évocatrices. C’est un suspense sonore continuel. Attention, on ne sait pas où cette musique nous emmènera. Les œuvres Projet Proust, Point de passage et Nuit cendre ont toutes été inspirées des lectures de Gobeil (Proust, HG Wells et Jules Verne). Derrière la porte la plus éloignée… vous fera découvrir Venise comme vous ne l’avez jamais vue. Faites le voyage avec Gobeil… vous n’en reviendrez pas!

Livret numérique PDF de 15 pages (5 Mo) inclus dans le téléchargement

  • Conseil des arts du Canada • SODEC

CD (IMED 0155, 2001)

  • Étiquette: empreintes DIGITALes
  • IMED 0155
  • 2001
  • UCC 771028015528
  • Durée totale: 49:45
  • OGpak
  • 125 mm × 125 mm × 10 mm
  • 50 g

Sur le web

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Quelques articles recommandés
La presse en parle

empreintes DIGITALes, une étiquette qui laisse des traces

Réjean Beaucage, Circuit, no 12:3, 1 septembre 2002

La maison de disques empreintes DIGITALes célèbre cette année son douzième anniversaire. Au fil des ans, la petite étiquette montréalaise a accouché d’une montagne, incontournable Everest des amateurs de musique électroacoustique d’ici et d’ailleurs. L’année 2001 a été consacrée à une mise à jour du versant québécois du catalogue avec des nouveautés d’Yves Daoust 1, Francis Dhomont 2, Gilles Gobeil 3 et Robert Normandeau 4. On a aussi eu la très bonne idée d’éditer les œuvres électroacoustiques de la regrettée Micheline Coulombe Saint-Marcoux 5 et on nous présente un nouveau venu en la personne d’Yves Beaupré 6, compositeur et facteur de clavecin. Bref, une importante mise à jour qui permet de brosser, en un coup d’œil, un portrait des différentes générations d’électroacousticiens.

Le disque Impulsion regroupe l’ensemble des pièces pour bande seule de Micheline Coulombe Saint-Marcoux, à l’exception de deux œuvres antérieures qui n’ont pu être retracées. On ne peut que féliciter l’étiquette empreintes DIGITALes pour cette initiative qui évitera que le travail de Coulombe Saint-Marcoux ne sombre dans l’oubli, comme tant d’autres créations musicales d’ici (et d’ailleurs). Quatre des cinq pièces reproduites datent du début des années soixante-dix. Cela s’entend et nous réjouit, parce qu’elles nous ramènent à un moment de l’histoire de la musique électroacoustique, juste après les premiers balbutiements de celle-ci, durant lequel, bien que toutes les portes aient été ouvertes, on pouvait encore croire à ce que le meilleur reste à venir. Une époque où la musique était encore assez concrète pour tenir dans la main, être coupée, retournée, puis collée.

Micheline Coulombe Saint-Marcoux faisait partie du groupe historiquement marginal des «antispécialistes», pour qui la recherche sonore ne connaissait pas de frontière. Synthèse électronique et montage de bande magnétique avec variation de vitesse font bon ménage et offrent à la composition une palette de sons d’une grande richesse. C’est Iannis Xenakis, lors d’un passage au Conservatoire de musique du Québec à Montréal, à l’invitation de Gilles Tremblay, qui aurait suggéré à Micheline Coulombe Saint-Marcoux d’aller dépenser son Prix d’Europe au sein du Groupe de recherches musicales à Paris (GRM) en 1968. La fréquentation des François Bayle, Henri Chiarucci et Guy Reibel au GRM, de même que les enseignements du pionnier Pierre Schaeffer au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, ont certes été des éléments déterminants du travail compositionnel de Coulombe Saint-Marcoux. Les trois premières pièces du disque, réalisées à Paris en 1970 et 1971, portent indubitablement la marque du GRM tout en témoignant d’une grande originalité.

Basée sur des textes des poètes Noël Audet et Gilles Marsolais, Arksalalartôq évoque les jeux vocaux des femmes inuits, joutes verbales absurdes qui se terminent souvent par les éclats de rire des participantes. Le travail sur la voix rappelle celui du Pierre Henry de Granulométrie et le traitement de sons électroniques salue le Stockhausen de Gesang der Jünlinge. L’étude Contrastances se rapproche, comme l’indique son titre, des matériaux sonores en opposition, tant en ce qui concerne la vitesse que la hauteur ou la texture. Élaborée, d’après le livret, «dans un studio privé à Paris», le matériau de base y est moins varié que dans les deux autres pièces de la même époque, réalisées au GRM. Cependant, le résultat demeure étonnant et la luxuriance qui s’en dégage est certes à mettre au crédit de la compositrice. La dernière des œuvres parisiennes, Moustières, est une belle démonstration de la maîtrise des techniques acquises durant la composition des œuvres précédentes et elle «coule» dans l’oreille comme une construction sans faille. La pièce Zones a quant à été réalisée à l’Université Simon Fraser de Vancouver entre 1971 et 1972, principalement à partir de sons produits par différents instruments à clavier (piano, orgue, clavecin ou claviers électroniques). L’œuvre est constituée de quatre différentes «zones» qui se distinguent par les techniques de transformation utilisées sur les sons de base, «[l]’idée [étant] d’arriver à la fusion des qualités sonores en manipulant de la même façon les sons d’origine 7». Le geste y est plus long que dans les pièces précédentes et laisse présager du style que développera Coulombe Saint-Marcoux dans ses compositions instrumentales subséquentes. Le disque s’achève avec la pièce la plus longue et la plus récente, Constellation I, qui date de 1981. Elle aussi est construite sur le principe de l’équilibre des contrastes, le plan de l’œuvre s’articulant en une juxtaposition de masses texturales assemblées par des charnières de silence. On y traverse encore des «zones», chacune étant en quelque sorte un microcosme du plan général. On pourrait mettre l’œuvre en boucle et ne plus jamais sortir de ce paysage.


Il est intéressant de trouver dans la notice biographique du compositeur Yves Daoust, telle que reproduite dans le livret de son disque Bruits, une liste des influences qui marquèrent le travail de Daoust. On y découvre les «trames sonores de films, bien sûr», mais aussi les compositeurs Cage, Xenakis, Kagel, Ferrari, Savouret, Stockhausen (ici, il précise Hymnen), Beethoven et Schumann, et elle se termine par le nom du peintre surréaliste René Magritte. Glisser le nom de ce peintre du détournement à la suite de ceux de compositeurs parmi les plus inventifs n’est certainement pas innocent de la part du compositeur. Daoust travaille fréquemment à partir de sons réalistes, ou «naturels», que l’auditeur peut identifier immédiatement, comme l’observateur peu identifier aisément tous les éléments entrant dans la composition d’une toile de Magritte. C’est leur agencement, ou leur traitement, qui peut être déstabilisant, un peu «comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie 8». Daoust tient à nous ancrer dans la réalité afin de mieux nous amener ailleurs. On serait tenté de parler de musique surréaliste mais aussi de cinéma sonore. D’autant plus qu’il ne faut pas oublier que le compositeur fut quelque temps concepteur sonore à l’ONF et qu’il vécut ses premières expériences électroacoustiques à 16 ans, en sonorisant le film 8mm d’un ami.

Le disque s’ouvre sur Bruits, suite en trois tableaux (Children’s Corner, Nuit et Fête) qui utilise abondamment les images sonores citadines les plus convenues, «fêtes de rue, marché, jeux extérieurs, machines, jardins publics […] clameurs humaines, cris et sifflets 9», dans un ballet qui n’a rien du documentaire et tout du poème… bruitiste. Le «paysage» y est hachuré et le tourbillon sonore finit par s’épaissir en une soupe dense d’où s’arrachent par bribes des morceaux de réalité, comme des éclats de lumière fuyant le magnétisme du trou noir. On notera en effet au passage l’influence avouée de Luc Ferrari.

La pièce Impromptu apparaissait déjà sur le disque précédent qu’a fait paraître Daoust chez empreintes DIGITALes, Musiques naïves, en version pour bande seule. L’œuvre a été largement retravaillée dans cette version mixte, pour piano, synthétiseur/échantillonneur et bande. La partie de piano est confiée à Jacques Drouin, et Lorraine Vaillancourt joue la partie de clavier électronique. La pièce a été réalisée «grâce à la complicité de Chopin», de qui Daoust emprunte et détourne quelques motifs de la Fantaisie-Impromptu en do dièse mineur, op. 66, pour en faire un objet neuf, mais chargé des mêmes tensions et de ce même spleen qui caractérisaient l’époque romantique. Une grande réussite dans un ton que l’on trouve peu souvent en électroacoustique.

La gamme nous ramène à une autre époque. Le compositeur nous laisse ici assister à ses premiers pas dans le monde de la musique électronique. On y observe en quelque sorte le compositeur se surprendre lui-même de ses découvertes et nous les présenter sans prétention. Alors on s’amuse à écouter la pièce comme le témoignage d’un passé que la vitesse exponentielle des développements technologiques tend à nous faire oublier (l’œuvre a été composée en 1981!). Le disque se termine par… Ouverture, une œuvre de 1989 commandée à Yves Daoust par le Groupe de musique électroacoustique de Bourges pour commémorer le bicentenaire de la Révolution française. Le thème et son traitement appellent la comparaison avec Le trésor de la langue, du compositeur/improvisateur René Lussier, qui date de la même année (1989). Ces deux pièces dénotent une grande communauté d’esprit entre les compositeurs. Ils utilisent des dialogues en forme d’entrevue afin d’établir des rapports sonores entre «le vieux pays» et le Québec. Cette similitude d’intention mérite d’être soulignée puisque nous avons ainsi deux œuvres stylistiquement fort différentes sur un même thème.

Ouverture est extrêmement narrative et a peut-être davantage les qualités d’une œuvre radiophonique que celles d’une œuvre de concert. Elle clôt le disque avec l’évocation d’une réalité plus tangible, plus «réelle», que dans les pièces précédentes. On ne rêve plus. Le disque est fini.


La musique de Gilles Gobeil est un guet-apens psychoacoustique. Le compositeur attire l’attention de l’auditeur sur des détails infimes, le laisse en quelque sorte pénétrer dans le son pour admirer sa structure, puis il détourne brusquement son attention par une cassure qui propulse l’auditeur sur une autre piste. Le procédé est d’une efficacité remarquable, mais il est probablement trop systématisé. La qualité des textures sonores que tisse Gobeil est ahurissante. La musique qui en découle est concrète à un point tel que le son y apparaît à l’état solide. Plus question ici de référence à la «réalité» puisque le moindre objet sonore est observé au microscope et révèle ainsi des contours insoupçonnés.

Malgré l’éclatante réussite au plan de la richesse sonore, on peut se demander si le compositeur atteint bien les objectifs descriptifs qu’il définit lui-même. Le résultat étant finalement assez abstrait, on peut se demander s’il était bien pertinent de nous les faire connaître. En effet, les «quelques images d’un voyage en Italie 10» qui servent de matériau de base à la pièce Derrière la porte la plus éloignée… (1998) évoquent bien davantage un paysage de la planète Mars qu’une «visite guidée de la cathédrale de Torcello 11». Quant à la pièce Projet Proust (1995, 2001), elle n’a sans doute de proustien que les quelques lignes de texte murmurées par le narrateur (Marc Béland). Il s’agit bien sûr d’un problème de perception, le compositeur ne portant pas sur son matériau le même regard que l’auditeur. Les images sonores ont ceci de merveilleux qu’elles débrident complètement l’imagination de celui qui les reçoit. Force est de constater que le mode d’emploi offert a ses limites. Est-il donc utile de fournir des pistes si, en définitive, elles ne semblent pas avoir été suivies? Dans ce cas, l’auditeur en a-t-il vraiment besoin?

Point de passage (1997) est une libre adaptation du roman The Time Machine de H. G. Wells et Nuit cendre (1995) s’inspire du Voyage au centre de la Terre de Jules Verne. L’auditeur qui l’ignorerait n’en serait pas moins transporté dans un autre temps, un autre lieu.

… dans le silence de la nuit… est le deuxième disque de Gilles Gobeil chez empreintes DIGITALes et chacune des pièces qu’il contient a reçu au moins une distinction dans une compétition internationale. Ce qui n’a rien d’étonnant, puisque la musique de Gobeil est séduisante. Avec un bon dosage des effets de surprises, la densité des matières qu’il utilise, le compositeur produit des objets particulièrement scintillants, qui ne se contentent d’ailleurs pas d’être bien construits. L’équilibre qui règne dans ses œuvres n’a pas la fragilité de celui du fildefériste, mais plutôt l’assurance des mobiles de Calder.


De la même génération que Gilles Gobeil et, pour ainsi dire, de la même école, Robert Normandeau a une approche bien différente de l’électroacoustique. À la fois plus «musicales», au sens où l’utilisation des codes de la musique instrumentale y est plus perceptible, et plus théoriques, les pièces de Normandeau possèdent une identité précise tant en ce qui concerne les sources utilisées que le type de traitement employé. Le disque Clair de terre, quatrième recueil de ses œuvres chez empreintes DIGITALes, est probablement aussi son opus le plus personnel. La pièce titre, de 1999, fait référence à une série de concerts que produisait le compositeur entre 1989 à 1993 au Planétarium de Montréal, alors qu’il était membre de l’Association pour la création et la recherche électroacoustiques du Québec (ACREQ). L’œuvre est divisée en douze mouvements dont les titres sont empruntés au vocabulaire du cinéma (Cadre étroit, Mobilité des plans, Montage rythmique, etc.). Normandeau, actif défenseur de l’expression «cinéma pour l’oreille» comme description de l’art acousmatique, dévoile ici son programme de façon transparente. Paradoxalement, ce terme qu’il revendique convient plus ou moins bien à son travail, car ce «cinéma» est beaucoup plus musical que «visuel». En écoutant la pièce Clair de terre, certainement la plus acousmatique des trois présentées ici, les deux autres étant dérivées de musiques d’application, on arrive aisément à en imaginer une orchestration (avec un orchestre, tout de même, qui ferait aussi preuve d’imagination!).

On touche donc ici au «problème acousmatique». Le compositeur Denis Dufour a remplacé le mot «musique» par le mot «art», fatigué qu’il était de devoir sans cesse expliquer en quoi une pièce acousmatique pouvait se rapprocher ou s’éloigner de la musique 12. C’est qu’en effet, l’art acousmatique ne produit pas toujours de la musique et certaines œuvres ont certes plus à voir avec le cinéma ou le documentaire radiophonique. Ce n‘est pas le cas ici et il serait inutile de bouder notre plaisir pour des considérations idéologiques.

Le disque s’ouvre sur Malina (2000), œuvre issue de la musique composée pour l’adaptation théâtrale du roman éponyme d’Ingeborg Bachmann. Le seul matériau ayant servi à la construction de la pièce est un enregistrement de la flûtiste Claire Marchand jouant du shakuhachi, une flûte japonaise. Évidemment, cet enregistrement est passé par toutes les transformations que peut lui faire subir un électroacousticien et notre petite flûte japonaise traditionnelle acquiert des qualités qui n’ont jamais été les siennes, se métamorphosant en instrument de percussion, puis en orgue ou en harpe éolienne. Le compositeur y crée davantage des ambiances qu’il n’y dépeint des paysages. Une grande réussite musicale suivie d’une autre, avec la pièce la plus récente du disque, Erinyes (2001), autre musique pour le théâtre basée sur l’emploi d’un seul matériau, en l’occurrence la voix. Cette façon de construire une œuvre à partir d’un matériau unique en le transformant de mille manières montre bien les prodigieuses capacités du médium électroacoustique. Il ne pourrait que s’agir d’un exercice pédagogique, mais le talent du compositeur en fait tout autre chose. Enfin, Clair de terre, longue suite de trente-six minutes, nous présente un hommage à la musique concrète, cette musique qui se monte en studio et se projette en salle, comme le cinéma, selon l’expression de François Bayle. Les nouvelles façons d’appréhender la vie qu’ont pu provoquer les premières images de la Terre vue de l’espace avaient été précédées par les nouvelles façons de concevoir le son que proposait la musique concrète. C’est la vision d’un monde qui change et, c’est bien connu, en acousmatique, on voit mieux les yeux fermés. Évidemment, le thème de l’œuvre appelle l’utilisation de sons aux textures évocatrices mais de ces bruits, Normandeau forge un poème symphonique qui ne se prive pas d’avoir par moments recours à la pulsation et qui se termine même, tel un salut solennel au XXe siècle, sur un air de cornemuse.


Surprise à la parution du disque Humeur de facteur d’Yves Beaupré. C’est que le compositeur n’est pas une figure connue du monde de la musique électroacoustique, mais plutôt des cercles de musique baroque, où on louange son habileté à… fabriquer des clavecins… Suivant un parcours peu orthodoxe pour un compositeur de musique électroacoustique, Beaupré se consacre en effet à la fabrication de clavecins, épinettes et virginals depuis une vingtaine d’années 13, activité à laquelle il a commencé à s’intéresser au sortir d’études en interprétation clavecin à l’Université de Montréal. Évidemment préoccupé par la sonorité des instruments qu’il conçoit, le facteur a voulu en superviser la prise de son lors de séances d’enregistrement et a développé naturellement une passion pour la manipulation des objets sonores. Sa note biographique ne spécifiant pas d’études en composition, nous en déduisons qu’il est sans doute autodidacte. Les matériaux de base utilisés ici ont été enregistrés dans l’atelier du facteur et les multiples outils qu’il doit utiliser fournissent au preneur de son une matière riche.

Si les références au cinéma sont monnaie courante lorsqu’il est question de ce type de musique, Beaupré, lui, préfère évidemment une autre métaphore. La construction d’une pièce de ce type exige un travail tout aussi précis que celle d’un clavecin; dans les deux cas, les éléments bruts doivent «être manipulés, triturés, […] coupés, recoupés dans tous les sens 14» avant de seulement approcher le produit fini. C’est Beaupré l’interprète qui a influencé la forme sous laquelle se présente Humeur de facteur, calquée sur le modèle d’organisation des Livres pour le clavecin de François Couperin, divisés en «ordres» qui contiennent eux-mêmes un nombre variable de pièces. On a donc ici un ordre dans lequel «chaque pièce, malgré son unicité, est partie intégrante du tout 15». Les titres choisis pour les pièces sont certes moins évocateurs que ceux de Couperin, qui les nommait La majestueuse, La ténébreuse ou La lutine. On a ici La beauséjour, La pelots point ou La DDB, titres qui ne s’accompagnent pas d’explications, à l’auditeur donc de leur donner un sens.

Le disque que présente Yves Beaupré a quelque chose de rafraîchissant, qui n’est probablement pas étranger à une certaine inexpérience de la part du compositeur, qui dote à l’ensemble d’une esthétique très personnelle.


empreintes DIGITALes complète son catalogue 2001 en publiant des travaux récents du doyen des électroacousticiens québécois. Le disque de Francis Dhomont Cycle du son 16, ajoute à cette année diversifiée un regard sur le médium lui-même, de sa naissance à ses développements les plus récents.

L’œuvre, en quatre volets, date de 1998, année qui marqua le cinquantième anniversaire de l’«invention du son» par Pierre Schaeffer au Studio d’essai de la RTF. Dhomont emprunte d’ailleurs à ce dernier, ainsi qu’à de nombreux autres «inventeurs du trésor», comme il les nomme, une partie du matériel sonore utilisé. Les Objets retrouvés (1996) sont un hommage direct à Schaeffer, en forme de paraphrase à son Étude aux objets. AvarArsSon (1998), véritable Who’s Who de la musique concrète est un coup de chapeau aux Bayle, Chion, Henry, Parmegiani, Stockhausen, etc. Novars (1989) met en relation la «musique nouvelle» de Schaeffer et l’Ars Nova de Guillaume de Machaut et, enfin, Phonurgie (1998) annonce la poursuite de l’aventure, avec de nouveaux moyens, certes, mais en demeurant fidèle «à l’esprit des premiers concerts de bruits 17».

Francis Dhomont a acquis une telle maîtrise du langage de la musique concrète que ce Cycle du son prend l’allure d’une véritable fête pour l’oreille. Et si chacun des volets est une réussite en soi, le tout est effectivement bien plus grand que la somme de ses parties. C’est que, comme le prouvaient déjà nombre de ses œuvres précédentes (du Cycle de l’errance à la Frankenstein Symphony), Dhomont est extrêmement à l’aise dans la grande forme. L’unité du matériau de base, assurée par l’utilisation des emprunts à Frankenstein Symphony et les retours/rappels qui se font d’une œuvre à l’autre, permettent à l’auditeur de suivre le chemin tracé par le compositeur… les yeux fermés.

Vibrant hommage aux collègues, le Cycle du son est aussi un splendide témoignage de l’amour du métier par l’un de ses plus dignes représentants. Non pas un regard embué par la nostalgie, mais plutôt une fière mesure du chemin parcouru, résumé pas quelqu’un qui va droit au but.

Notes.

  1. Yves Daoust, Bruits, empreintes DIGITALes / Diffusion i média, 2001 (IMED 0156).
  2. Francis Dhomont, Cycle du son, empreintes DIGITALes / Diffusion i média, 2001 (IMED 0158).
  3. Gilles Gobeil, … dans le silence de la nuit…, empreintes DIGITALes / Diffusion i média, 2001 (IMED 0155).
  4. Robert Normandeau, Clair de terre, empreintes DIGITALes / Diffusion i média, 2001 (IMED 0157).
  5. Micheline Coulombe Saint-Marcoux, Impulsion, empreintes DIGITALes / Diffusion i média, 2001 (IMED 0159).
  6. Yves Beaupré, Humeur de facteur, empreintes DIGITALes / Diffusion i média, 2001 (IMED 0160).
  7. Les notes du livret sont de Micheline Coulombe Saint-Marcoux.
  8. L’un des fameux «Beau comme…» de Lautréamont, extrait des Chants de Maldoror.
  9. Extrait de la notice du livret.
  10. Extrait de la notice du livret.
  11. Ibid.
  12. Voir à ce sujet l’excellent entretien réalisé par Jonathan Prager avec Denis Dufour et publié dans les nos 5 (avril 1997), 6 (septembre 1997) et 7 (mars 1998) de la revue électronique Ars Sonora.
  13. Le 3 mai 2002, le claveciniste Luc Beauséjour présentait le 100e instrument de Beaupré, un clavicythérium, à la Chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours à Montréal.
  14. Extrait de la notice du livret.
  15. Ibid.
  16. La sortie de ce disque fut retardée à cause d’un problème d’impression de l’emballage. Profitons de l’occasion pour dire quelques mots sur la présentation de ces enregistrements. L’emballage a beaucoup évolué depuis les premières productions de l’étiquette, allant du modèle standard de boîtier en plastique à ces nouveaux boîtiers «Opaks» tout en carton. La nécessité étant mère de l’invention, c’est pour éviter le bris des boîtiers standards lors d’envois postaux que ces mutations se sont opérées. La présentation visuelle est très soignée et les notes de programme, si leur consultation est moins pratique que celle du livret habituel, sont en général assez complètes.
  17. Extrait de la notice du livret.

Critique

LC, Octopus, no 14, 1 mai 2002

C’est du Québec que nous proviennent ces quelques œuvres inspirées, grâce au label de Montréal empreintes DIGITALes… Si leur point commun réside dans l’utilisation d’un support musical électroacoustique, il est intéressant de constater les influences des musiques ambiant et ethno-ambient dans le travail rendu et dans l’évolution progressive qui régit les morceaux… Au Clair de terre de Robert Normandeau, correspondent des mouvements cinématiques faisant évoluer les thèmes au gré de mouvements spatiaux et spacieux comme le laisse entendre le titre… Souvent amené à travailler pour le théâtre, Robert Normandeau cultive dans sa musique le sens de la densité et un aspect très direct que nous susurrent les voix entremêlées de Erinyes

Voilà une téléportation sonore en bonne et due forme que n’interrompra pas le silence nocturne étayé par la musique de Gilles Gobeil… Un silence pesant et torturé par des ambiances crépusculaires, combinaison de torpeur et de violences soudaines, qui ralliera jusqu’aux amateurs de dark-ambiant par ses déclinaisons à la fois brutales et microtonales. Un rêve semi-éveillé qui s’emballe au fil des lectures émaillant le voyage… Marcel Proust, HG Wells, Jules Verne, les passagers de ce train fantôme se portent bien, merci pour eux…

Au terminus, Yves Daoust vous attend… Ses Bruits reflêtent sa ville, Montréal, perpétuellement traversés par des bribes de mots, les cris des enfants, des mouvements crissants furtifs, des mécanismes grinçants… les nuits, les jours, les lieux, calmes ou agités, sont revisités avec un appétit glouton… Daoust s’empare des sons plus qu’il ne les saisit afin de retranscrire l’environnement urbain qui l’entoure, dans toute sa luxuriante diversité. Avec de tels compositeurs, le Québec n’a sans doute jamais été aussi libre…

Avec de tels compositeurs, le Québec n’a sans doute jamais été aussi libre…

Commentary

Andrei, microsound, 20 avril 2002

Date: Sat, 20 Apr 2002 02:58:28 -0400
To: microsound <microsound@hyperreal.org>
From: Andrei <andrei@w…>
Subject: Gilles Gobeil

I picked up the two Gilles Gobeil CDs on empreintes DIGITALes last week and I have to say they are excellent. Some of the most satisfying electronic music I’ve heard in a while. Really seamless blend of subtle processing and all sorts of field recordings (lots of klangy sounds and factory/machinery type sounds). Very tastefully done, never falls into that contemporary electroacoustic trap where it’s like “great, here’s lots of granular synthesis.” His music seems to be guided a lot more by his vision rather than by technology. There are actually lots of moments in his music which remind me more of things like David Jackman’s Organum rather than “academic” electronic music. There’s a very “isolationist” vibe to his music.

His more recent pieces, which are featured on … dans le silence de la nuit…, seem to revolve a lot more around a quiet stillness which is upset by bursts of activity. I was kind of surprised by Traces a piece from ’85 on the older CD is a great sort of old school concrete type piece with lots of jarring juxtapositions.

I’m very happy to find that empreintes DIGITALes is proving wrong my long held, but kind of uninformed opinion that there hasn’t really been any good academic electronic music since the 70’s. And the electrocd.com site is really great. So many audio samples to check out. I probably wouldn’t have picked up the Gobeil discs if I hadn’t been able to check out the samples on their site.

Some of the most satisfying electronic music I’ve heard in a while.

Critique

Julien Jaffré, Monotrains & Satellites, 1 avril 2002

Gilles Gobeil, né il y a 47 ans à Sorel, est de cette génération qui a suivi les premiers tâtonnements de la musique concrète en France, avec Ferrari, Schaeffer ou Henry, les premières expériences à grande échelle de sleeping et de musique répétitive (Riley, La Monte Young, Conrad) et d’acousmatie (Bayle). Ses expériences ont accompagné sa scolarité et ses études universitaires (tout autant que les Beach Boys d’ailleurs… ). Sa réussite auprès de ses pairs (prix Ars Electronica, diverses récompenses), ses participations à de nombreux collectifs (GRM, GMEB) ont construit la personnalité de sa musique et son style. Un voyage onirique en 4 étapes qui puise ici largement son inspirations dans la littérature contamporaine (de Proust à Jules Verne, de Thomas Moore à HG Wells), des visions dépressives ou nostalgiques, oniriques ou anticipatives de voyages, qu’ils soient intérieurs ou géographiques. L’atmosphère général de l’album ne prête pas à rire, climat de tension permanente où l’on pense par moment à l’album de Faust et sa BO du Nosferatu de Murnau où aux ambiances de Morcook ou Lovecraft… L’utilisation d’ondes Martenot et de rupture violente comme sur un de ses précédents albums La mécanique des ruptures n’y étant pas étrangère. Une belle invitation au pays des rêves sombres.

Une belle invitation au pays des rêves sombres.

Review

Paul Donnelly, Freq, 3 janvier 2002

These four journeys into the realms of electroacoustic music were first created in the composer’s Montréal studio and subsequently revised into their current states. They draw on literary resources such as Proust, Jules Verne and HG Wells as well as images from Italian travel though I’m not sure that having that as background information is any help when listening, except on Projet Proust, a track where the narrative is drawn from the first pages of Swann’s Way.

For example, the partially visual images from which Derrière la porte la plus éloignée… takes its genesis are very specific, albeit images which are also rooted in sound. How then do they translate into Gobeil’s own sonic terrain? He lists “the trickling of the ‘pozzo etrusco’ in Perugia” and “the hum of the ‘vaporetto’ in Venice” among the sounds which inform the piece and, to me, they create an entirely different ambience to those realised in the composition. Whilst there are occasional ‘trickling’ or ‘humming’ sounds it is more suggestive of an unlit journey, punctuated by near and distant crashing, through a more threatening soundscape. It is never a dull one, however, and leads into his Proust influenced piece. The narrative voice of Marc Béland offers short passages amid the metallic drones and disturbances that form the territory of this track. It is described as a ‘personal reading’ of the Proust pages and, again, you can hear what you want in the sound, whether or not you are familiar with the text. At one point a ghostly choir and bells drift into the foreground only to be submerged by a welter of grinding metal. Later electronic birdsong floats past the narrator and more forlorn metals announce a distorted voice/instrument. That too is suddenly truncated as are many of the sections throughout the piece.

I suppose HG WellsThe Time Machine lends itself to the kind of ‘free adaptation’ that Gobeil has composed here on Point de passage. Again, it is a journey through a very metallic zone as the sounds speed up and slow down in a dark territory where you can not predict what will happen next. The final track Nuit cendre carries on the explorations of the previous track. The journey continues underground which, since it is an adaptation of A Journey to the Centre of the Earth, was to be expected. Gobeil constructs a threatening series of aural images and, as on all the other tracks, makes use of a variety of dynamics taking the listener from silence to dark rumblings in unfamiliar places. These troubled voyages are worth repeating because they draw the listeners in and allow them to make personal interpretations of what is happening. It may or may not correspond to your expectations or those suggested by the source material but in the end I don’t think that matters.

… a dark territory where you can not predict what will happen next.

Critique

GP, Nightlife, no 31, 1 janvier 2002

Inspiré de lectures (Proust, HG Wells et Jules Verne) ce deuxième disque de Gilles Gobeil dans le registre électroacoustique alterne entre les sons quasi silencieux et les explosions orageuses. L’auditeur devient alors un funambule qui se promène sur un mince fil sonore bousculé par des bourrasques de vents. On retient une tension constante et un suspense aux penchants fantastiques qui n’est pas sans évoquer la musique de film.

… une tension constante et un suspense aux penchants fantastiques…

Review

Tom Schulte, Outsight, 16 décembre 2001

Gilles Gobeil is part of the rich, academic electroacoustic scene centered on the Université de Montréal. While much of the music from that fertile world is cerebral and engaging, Gobeil breaks ranks and offers sounds that are harsh and nightmarish. Three of the four works here are eerie creations based on Gobeil’s readings of Proust, HG Wells and Jules Verne. The fourth, Derrière la porte la plus éloignée… is a malevolent vision of Venice.

Gobeil breaks ranks and offers sounds that are harsh and nightmarish.

Review

Bart Plantenga, wReck thiS MeSS, 9 décembre 2001

… dans le silence de la nuit… on empreintes DIGITALes Gilles Gobeil is another veteran of that Montréal sound best described as tightly wound gift-wrapped parcels of intense sonic phenomena. The material has a way of exploding, of skulking, of waiting in silience, of groaning and mugging one’s preconceptions about the psycho-acoustic possibilities of music. The compositions seem at once well-yoked to the human need to control one’s environment and then just as suddenly the material seems to squirt out in splattering explosions of sonic fireworks as if the compositions have a built-in autonomous characteristic that allows them to exist as something in-between serious composition and sonic documents of the world at large… The works here are nightmarish evocations of his readings of Proust, HG Wells and Jules Verne. Derrière la porte la plus éloignée… is an impressionistic sonic illumination of Venice, Italy.

… tightly wound gift-wrapped parcels of intense sonic phenomena.

Review

Nicolas Chevreux, Recycle Your Ears, 6 décembre 2001

Before this CD, all the releases I knew from empreintes DIGITALes were very complex and difficult works of musique concrète and electroaccoustic. That is to say, they were clearly more a music for people who are actually studying this genre than for the rest of the world. …dans le silence de la nuit… is, to the contrary, a more accessible work, on which fans of industrial music can have more grip.

And, briefly said, these four tracks are a combination of dark soundscapes made of fields recordings, outbursts of noises and spoken words in French (with readings of Du coté de chez Swann and The time machine). As far as the music is concerned, this work doesn’t have the complexity and opacity of musique concrète, and sounds more like muffled and cut up recordings of footsteps, winds and ambiences, meshed into a rumbling light noise. In fact, the recording is often extremely light, causing you to crank up your stereo quite loud, before getting your ear blasted by some very dynamic and unexpected loud sample.

Very atmospheric and dream inducing, this work has enough coherency and consistency to be really enjoyed as a whole, and doesn’t lose his listener to much. The texture it uses are interesting and relatively close to sounds commonly used in dark ambient and industrial music. However, a very strong point of this CD is, as always with empreintes DIGITALes, a very good recording quality, with a dynamic and cristal clear sound.

Still very academic, but really close to what’s been done by some dark ambient projects, …dans le silence de la nuit… is easily the most enjoyable, cinematic and listener-friendly CD I have heard from this label. Nice.

… the most enjoyable, cinematic and listener-friendly CD I have heard…

Review

Jeremy Keens, Ampersand Etcetera, no 2001_20, 1 décembre 2001

The four tracks on Gobeil’s disk have been well received in competitions around the globe, and are each based around narrative - personal or literary. One of the difficulties of this form of music, other than the complexity in trying to describe it, is the piercing punctuation - a tendency to signal the start or end of passages by loud, aggressive noises (a subcategory of the overall interest in wild volume changes). Gobeil uses this dramatic underlining extensively - which can get annoying, but does give the disk a unity, as some of the sounds (door slamming, bangs) are used across the tracks.

Derrière la porte la plus éloignée… combines and manipulates sounds from a trip to Italy into an abstraction: a throb, breathing, violin and whirlys /bang/ a susurrus, train, tones, violin, dripping water increasing, throbbing /bang/ walking, drips and horn getting loud /loud passage/ trains (probably) seguing into tones / rhythmic elements, walking, talking, tones, increasing breathing, ringing noises build into a big visceral accretion of sound, then a little ringing and fade. A dense dreamlike Italy. The punctuation is even stronger in Projet Proust where sentences from the opening of the novel are read, accompanied by light electroacoustics, then followed by concretions which are probably related to the text, the punctuation playing the role of a full-stop at the end of an auditory sentence. Some sounds are domestic - a kitchen, with water running, a choir in a church, insects or a train - while others are tones, whistles, crackles and bangs. The piece flows smoothly, and complements my own memories of those early sections - balancing the comfortable domestic with Marcel’s night fears.

Following the literary theme, Point de passage is a version of WellsTime Machine and again matches my memory. Throughout there is a rhythm and tone from machinery, mainly steam, reflecting the steam age that produced the novel. The piece swings between an active mechanical period with knocking and sirens into a more lyrical central section, chatterings and vents, soft tones, rainfall and flutes, and finally another noisey building of buzzing machines and jackhammers, rising and falling to a slammed conclusion. Nuit cendre adapts Verne’s Journey To The Centre Of The Earth and isn’t at all like Rick Wakeman! It swoops between quiet subterranean rumbles or slow drones and tones into bangings and dense bellringing or distressed voices, sounds rising and falling like stalagmites and stalactites, excitement and awe at the underground landscape. Complex and difficult works, these 4 pieces create a strong sense of place and narrative, and deserved the awards they won.

… these 4 pieces create a strong sense of place and narrative…

Chronique

Julien Jaffré, Jade, 1 décembre 2001

Gilles Gobeil, né il y a 47 ans à Sorel, est de cette génération qui a suivi les premiers tâtonnements de la musique concrète en France, avec Ferrari, Schaeffer ou Henry, les premières expériences à grande échelle de sleeping et de musique répétitive (Riley, La Monte Young, Conrad) et d’acousmatie (Bayle). Ses expériences ont accompagné sa scolarité et ses études universitaires (tout autant que les Beach Boys, d’ailleurs…). Sa réussite auprès de ses pairs (prix Ars Electronica, diverses récompenses), ses participations à de nombreux collectifs (GRM, groupe de musique électroacoustique de Bourges) ont construit la personnalité de sa musique et son style. Un voyage onirique en quatre étapes qui puise ici son inspiration largement dans la littérature contemporaine (de Proust à Jules Verne, de Thomas Moore à HG Wells). Des visions dépressives ou nostalgiques, oniriques ou anticipatives de voyages, qu’ils soient intérieurs ou géographiques. L’atmosphère générale de l’album ne prête pas à rire, climat de tension permanente où l’on pense par moment à l’album de Faust et sa B.O. du Nosferatu de Murnau où aux ambiances de Morcook ou Lovecraft… l’utilisation d’ondes Martenot et de rupture violente comme sur un de ces précédents albums La mécanique des ruptures n’y étant pas étrangère. Une belle invitation au pays des rêves sombres.

Une belle invitation au pays des rêves sombres.

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Darren Copeland, The WholeNote, no 7:4, 1 décembre 2001

The four works on this CD are each strongly compelling and immaculately produced. The production standards of recording and mixing are very high and put to effective compositional use, which is essential in any electroacoustic work. There is also a carefully conceived unity of materials and gestures that give the works a strong structural foundation.

Over that solid technical basis, Gobeil sets out to create a drama of suspended tension and release using long building climaxes, quick jump cut edits, and eerie drones and lingering silences. However, these benchmarks of his dramatic language are used so frequently from piece to piece that their desired impact is unjustly compromised by predictability. Gobeil’s unity of style and materials is so complete and unvaried that even the three diverse literary points of inspiration used for the works (Marcel Proust, HG Wells, and Jules Verne) fail to yield the potential variants in style, materials and form.

On a concert program including works by other composers, Gobeil’s music can stand beyond the rest and lead the listener on a hair-raising journey. But heard one after another in succession the impact is marginal. Therefore, I recommend listening to this CD in small concentrated doses separated by time and experience.

… a drama of suspended tension and release using long building climaxes, quick jump cut edits, and eerie drones and lingering silences.

Review

Metamorphic Journeyman, 21 novembre 2001

Gilles Gobeil invites us to his haunting imaginary world. 4 works takes us on an unbelievable dream (or is it a nightmare?). True to his style, Gobeil’s music is rich with evocative moods. It’s a continuous sonic thriller. Beware, we certainly don’t know where this music will take us. Projet Proust, Point de Passage, and Nuit cendre were all inspired by Gobeil’s readings (Proust, HG Wells, and Jules Verne). Derrière la porte la plus éloignée… will show you Venice like you’ve never seen it before. All aboard with Gilles Gobeil on a trip you won’t forget!

… a trip you won’t forget!

Review

Ingvar Loco Nordin, Sonoloco Record Reviews, 29 octobre 2001

When you peer into the electroacoustic antecedents of Gilles Gobeil you encounter the names of well-known as well as more obscure organizations throughout the genre which have all rendered him awards; Biennal Acousmatic Composition Competition (Belgium), International Electroacoustic Music Contest (Brazil), Ciber@rt (Spain), Bourges International Electroacoustic Music Competition (France), Stockholm Electronic Arts Award (Sweden), Ars Electronica (Austria), Luigi Russolo International Competition (Italy), Newcomp Computer Music Competition (USA), Brock University Tape Music Competition (Canada) and so on and so forth. Impressing! Undoubtedly, this wizard of the electronics, spinning all around his hat, is amply worthy of all this havoc, because he is one of the most talented and sensitive jugglers of sounds we’ve heard.

His new CD is one of a batch of new issues from the prolific empreintes DIGITALes of Canada, wherein we can monitor the present vibrancy out of his creative act. The works presented were conceived between 1995 and 2001, so we are provided with new music, which is always very interesting, since all acts of creativity, throughout the arts, are mirrors of our present day life and the position and state of humanity and affairs of the moment! The similarity between visiting a modern arts gallery down the street and listening to a new CD with electroacoustics is striking. It is often about shapes, shadings, light, movements, contours – and… associations. The richer one’s own scope of references and the wider our frames of reference, the richer and more rewarding our experiences of art. That experience, in its more evolved stages, doesn’t come for free. It takes initial time and effort, but as Pete Seeger once sang in a song called Maple Syrup Time: “Everything worthwhile takes a little time”. The electroacoustic village is pretty sparsely populated, even though worldwide – interconnecting through the Internet – we’re a growing bunch. For the newcomer it’s all about finding a way into the soundscape, and it might be all too easy for someone completely unaware of the electroacoustic goings-on to just bump off the surface, on hearing these weird sounds… However, in later years there seems to have been an up-surge of the idiom, hopefully indicating a wider public interest too, and an uncanny assortment of very good electroacoustic releases have helped pave the way. empreintes DIGITALes constitutes one of the main outlets of high quality sound art, and this CD by Gilles Gobeil is no exception.

Derrière la porte la plus éloignée… (“Behind the Remotest Door…”) (1998) presents a few images from a journey through Italy. A deep murmur opens the piece, harboring sounds as of a deep, slow breath. Jingle jangle wrenchings are inhaled, exhaled, as if you were deep inside the belly of the monster, or maybe hid away on an old wooden bench in a dark corner of a cathedral or age-old church… The liberating sound of running, trickling water refreshes for a while… but suddenly the echo of the sounds indicates a much smaller space, and you hurry in flight down stinking sewers. A sound as of an elevator maybe means that you’re reaching safety, but an enormous, dense factory wall of noise holds you back… A richness of timbre and of millions of grains of sound suddenly halts, as a distant propeller airplane sound is detected from a distance, in the sudden silence. Once again the sounds hit head on, like someone just pushed a button or pulled a lever, but then again this music could be an illustration to the travels after death, through the bewildering landscapes of Karma that are described in the Tibetan Book of the Dead… so just aim for the Light, and fear not these grim faces staring at you from the walls, these murky hands reaching out at you from the slimy corners, because they’re just remnants of bad deeds, manifestations of ill thoughts… so hold on to the best within yourself and aim fearlessly ahead…

Projet Proust (1995, 2001) is “a personal reading” of the first pages of Du côté de chez Swann (“Swann’s Way”) (1913) by Marcel Proust. The narrator is Marc Béland. In a classical electroacoustic manner, the voice of the narrator is heard as from inside soothing spheres of bliss, whereas the sound web in which those spheres of French morphemes are expressed is ominous, spatial, dark, threatening, as from a furnace of destruction or the core of energy on the verge of exploding into a supernova of the intellect, spreading your desperate identity in a dissipation of fragmented thoughts and remnants of words throughout the abyss within… Like in the first piece on the CD the sounds at times start behaving in an inhaling/exhaling manner, indicating Time through Breath, Life through moving Oxygen and Carbon Dioxide. Chanting of angelic choruses are hallucinated through the whining of bee swarm timbres and the occasional occurrences of grinding machines in a large, smoky hall of a steelworks on the Baltic coast, into which diagonal rays of sunlight through semi-transparent windows on high cut through the rising smoke and hovering dust of iron particles, producing rhombs and squares of light on the dirty brick walls and the littered floor, and on the hell-like machinery of industrialization… Minuscule binary progressions of grains of sand wisp back and forth in the panning of the artisan’s tools, as cut up blisters of cries and hollers are ground down to oblivion, until one short second of a real-life scream plummets into water and relative silence… and the softness of speech continues… Nocturnal atmospheres are introduced, from silent Mediterranean nights of dark heat, wherein insects talk to themselves… but is this also a regression of evolution, back to dinosaur pastures of plenty, where the grass is green and where the giants of the earth rule…? … because I hear growlings of primeval forests and plains… or is it just the Unconscious in fast reverse, down the branchery of evolution inside the halls of mirrors of my mind…?

Point de passage (“Crossing Point”) (1997) is, says Gobeil, “a free adaptation of ‘The Time Machine’ (1895) by HG Wells (1866–1946)”. It begins in a furious speed, accelerating in volume, but dissipates into – once again – a “breathing” state of relative silence… Anyone who has read the book by Wells knows and remembers the story, so this is supposed, then, to be programmatic music, re-enacting the story of the British scientist who invented a time machine and went to a distant future - 800 000 years ahead! - where humanity was divided into a naïve and innocent breed (the Eloi) living on the surface of the planet like we do, and a dark, evil and intelligent breed (the Morlochs) residing beneath the ground, in tunnels and halls deep inside the earth, appearing on the surface only to abduct the fair and gentle ones, tearing them apart for the sake of their flesh. Of course, the plot is inspired by the findings of Sigmund Freud and his concept of the Subconscious and the Unconscious, and particularly the sexual and creative implications for the individual, who has to balance the surge and might of millions of years of evolution – tucked away in his unconscious – on a razor’s edge of civil varnish.

There is a lot of movement in this piece; rushing sounds as from haywire subway trains, and I can feel the cold steel of the evil subterraneans’ machinery, and the smell of oil and fuel… A cold rain is falling over the steel dome into which the scientist has pulled his time machine… These sounds from Gobeil’s fantasy are immensely lonely, as from a god who has given up his supremacy… A slow breath, on the verge of snoring, pictures this god asleep in his loneliness.

Nuit cendre (1995) is the last piece. Again Gilles Gobeil has turned to a classical science fiction novel; Voyage a centre de la terre (“A Journey to the Center of the Earth”) (1864) by Jules Verne (1828–1905), the originator of modern science fiction. Initial sounds are abrupt indeed, but soon you are taken into watery, descending swoops of motion, apparently inside some hollow place or craft, and the grinding force of a landslide or dark matter being shoved aside grows into a relentless noise of lithophonic qualities. Lighter metallic rings of timbres sooth for a while… Unusually withheld nuances of sound lurk in the crevasses of the passage… There is an ominous apprehension inside this music… and the tubular rhythms of machinery once again grows in intensity, albeit in softer, brownish timbres of clay and wet slices of soil, seeping down the outside of your listening sphere like venomous honey… It is undoubtedly a crude environment, dark with clay, granite and bedrock strata. The music moves in this environment with diamond edge and boring vibrations… but the sounds of air through vents or steam through pipes transform the event into a softer impression, and suddenly it feels as though the space opens up, perhaps into a giant subterranean hall, so large and extended that you cannot see the roof up there in the dark, even though you point your torchlight upwards… and then you see it; a low-intensity, bluish light that sort of hovers inside the giant subterranean cathedral… Later on sounds of what appears to be thousands of winged creatures flapping about – maybe giant bats – sends fear down your spine, or are these sounds the stumbling feet of shadowy beings skipping towards you in your vulnerability, towards the core of the planet…?

… one of the most talented and sensitive jugglers of sounds we’ve heard.

Review

Richard di Santo, Incursion Music Review, no 038, 14 octobre 2001

This new disc by Montréal based electroacoustic composer Gilles Gobeil picks up where his last disc, La mécanique des ruptures (also on empreintes DIGITALes), left off. It presents four compositions from 1995 through 2001. The first piece, Derrière la porte la plus éloignée… (1998) is punctuated by deep, broad and dynamic breaths. The piece undergoes a series of dramatic and earth-shattering changes, revealing an incomprehensible intensity and concentration of sound similar in spirit to what I found on his previous record. The next three pieces take their inspiration from works of fiction. Projet Proust (1995, 2001) incorporates a reading of the first few pages of Proust’s Du côté de chez Swann (Swann’s Way) with a constantly shifting sound field. Point de passage (1997) is an adaptation of HG WellsThe Time Machine, but there is no narration; instead the adaptation is manifested with pure sound, strange machinery and metallic clamouring. The fourth and final piece is based on Jules Verne’s Voyage au centre de la terre (Journey to the Centre of the Earth), having found its inspiration in Verne’s fantastic accounts of the underworld. Gobeil’s vision as seen through these four compositions is characteristically dark and surreal. The dynamic and shifting nature of his sounds is truly remarkable; they occupy a broad trajectory on the stereo spectrum, and seem reach out from their confines into the space around you. This is difficult listening, the kind of music that pulls the carpet from under your feet and sends you headfirst into an unsteady and nightmarish world. So it’s not for everyone, nor is it for everyday listening, but it’s a fascinating trip nonetheless. Nicely done.

… the kind of music that pulls the carpet from under your feet and sends you headfirst into an unsteady and nightmarish world.

Review

François Couture, AllMusic, 1 septembre 2001

This second CD by Gilles Gobeil develops a more literary theme, with three of the four pieces taking their inspiration in Marcel Proust, HG Wells, and Jules Verne. Yet, the composer’s style changed very little since the late-’80s/early-’90s pieces found on La mécanique des ruptures. If anything, his technique of violent contrasting has been pushed to farther extremes. Therefore … dans le silence de la nuit… (…In the Silence of Night…) sounds like more of the same. But again, the technique has been refined and where there used to be a flooring of textures now the listener often finds complete silence. The closing piece, Nuit cendre, gets very disturbing in this vein. Projet Proust is an electroacoustic interpretation of the first pages from the author’s mammoth cycle, accompanied by a pure (as in “not altered”) narration. Point de passage, an interpretation of Wells’ novel The Time Machine features more abrupt shifts and unexpected bangs. That is the crux of Gobeil’s art — truly a case of love-it-or-hate-it.

… his technique of violent contrasting has been pushed to farther extremes.

Recensione

Luca Pagani, All About Jazz Italy, 1 avril 2001

Raccolta che potremmo dire più letteraria che strettamente musicale. Si parte infatti con un viaggio in terra d’Italia, vedendo il pozzo etrusco di Perugia, i vaporetti di Venezia, la cattedrale di Torcello, la chiesa di Santa Maria della Salute. Certo, per chi non ha la possibilità di leggere le note dell’autore è un tantino complesso identificare le immagini sonore di Derrière la porte la plus éloignée… con quei luoghi turistici, tuttavia un’atmosfera e un ambiente ben preciso sono evocati all’interno della narrazione sonora. Gilles Gobeil non intende costruire la composizione tramite elementi né realistici né concreti: l’autore intende proporre invece un immaginario delle proprie sensazioni dalla vista dei paesaggi, dal ricordo che ne ha, ma in nessun caso si propone una descrizione realistica o fotografica degli avvenimenti. Solo per la cronaca, la composizione è stata presentata per la prima volta al Festival FIMAV (Festival International de musique actuelle) di Victoriaville (Canada).

La seconda traccia, Projet Proust è una rilettura personale (la voce narrante è di Marc Béland) delle prime pagine del romanzo Du coté de chez Swann (in italiano “La strada di Swann”) dello scrittore francese Marcel Proust. Alla narrazione si sovrappongono assemblaggi di varia natura, canti gregoriani mischiati ai rumori che più sovente vengono utilizzati in questi ambiti, ovvero i bruits delle stazioni ferroviarie. Il metodo nel comporre i suoni che è stato utilizzato in questo caso ricorda il “Ritratto di città” realizzato da Luciano Berio e Bruno Maderna. Il tono della narrazione in un certo senso dimesso, la musica che tende a sottolineare gli aspetti “psicologici” del racconto, sono elementi che legano l’opera di Gilles Gobeil al citato lavoro dei due compositori italiani.

Da questo punto in poi la raccolta parte verso i territori della letteratura fantascientifica con l’adattamento musicale e l’interpretazione “libera” di The Time Machine (in italiano “La macchina del tempo”), romanzo dello scienziato-scrittore Herbert George Wells. Point de passage si svolge con tratti più discontinui rispetto alle precedenti tracce anche a causa delle innumerevoli fonti sonore da cui la composizione prende spunto. Ancora una volta rumori catturati dagli ambiti ferroviari, ma anche dall’ambiente naturale (tuoni e pioggia) accompagnate da un maggiore utilizzo delle elaborazioni elettroniche (drones di media durata, rumori manipolati a tal punto da assomigliare al suono di un synth).

Si giunge così alla fine del percorso con la visione dei mondi sotterranei di Voyage au centre de la terre (“Viaggio al centro della terra”) di Jules Verne. Come è facile immaginare i suoni che l’autore utilizza in Nuit cendre sono talvolta praticamente inudibili (frequenze bassissime), talvolta vere e proprie “esplosioni”, cornici e contorni. È abile ancora una volta Gobeil ad rileggere l’opera, a renderla “sua”, attuale e - cosa più difficile - a trasporla dalla letteratura all’ambito sonoro. Anche per questo motivo siamo riusciti nella difficile impresa di scriverne.

Valutazione: ★★★★

Jury Statement

Berndt Berndtsson, Juraj Duris, Kaija Saariaho, Stockholm Electronic Arts Award, 1 septembre 1997

Nuit cendre: A musically expressive piece of the highest quality where the composer, with admirable economy of means, transports us through acoustic environments which are sometimes reverential, sometimes terrifying.

Through an interplay of sounds from daily life and synthesized material he makes us aware of the conflict of realities in life in an industrial society.

The natural sounds have been transformed so as to acheive a kinship with the synthesized sounds, a kinship which the composer uses deftly to attain his aesthetic goals.

The acoustic material is used to build up clear musical gestures with a refined and sensitive ear. Musical intensity is not created with heavy sound masses, as so often in electroacoustic music, but through precise compositional interplay of contrasting elements.

The general impression is one of skill, sensitivity and awareness of the value of surprise.

A musically expressive piece of the highest quality…

Autres textes

  • The Wire, no 216, 1 février 2002
  • TB, Black, no 26, 1 décembre 2001
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