Les municipalités canadiennes et la réglementation des antennes radio et des bâtis d'antennes

Étude effectuée conformément au contrat de recherche 36100-7-0027 entre le ministère des Communications du Canada et l'Université du Nouveau-Brunswick (U.N.-B.).

Chercheur principal : le professeur David Townsend, Faculté de droit, (U.N.-B.).

Préface

Les antennes et les bâtis d'antennes sont les éléments physiques les plus apparents d'un immense réseau de systèmes de diffusion mass-média et de systèmes de radiocommunications commerciaux et privés qui, ensemble, ont une incidence sur le développement économique, social, politique et culturel du pays. Depuis l'autorisation des deux premières antennes extérieures au Canada en 1901, le nombre d'antennes n'a cessé de croître et il y a aujourd'hui environ 230 000 antennes autorisées au Canada. La plupart des antennes, autorisées en vertu d'une licence ou exemptes de licence, sont localisées en tenant compte de toutes les questions techniques (emplacement, hauteur, système d'antennes et type de pylône) qui ont une incidence sur leur capacité de rayonner ou de capter des signaux radioélectriques. Traditionnellement, on a fait relativement peu de cas de leurs répercussions négatives possibles sur la collectivité où elles sont implantées ou près de laquelle elles sont implantées. Malgré leurs répercussions négatives possibles sur la santé, la sécurité et le patrimoine esthétique, leur implantation fait généralement l'objet d'aucune opposition ou d'une opposition restreinte. De fait, l'histoire de l'implantation d'antennes de radiodiffusion au Canada en est une de pressions locales pour obtenir des installations de plus en plus nombreuses, grandes et puissantes.

Récemment, les attitudes à l'égard de l'aspect esthétique et de la sécurité du milieu local ont commencé à changer. Les populations locales et les administrations municipales ont commencé à demander que l'on tienne compte des intérêts locaux dans le processus d'autorisation d'installations qui pourraient avoir des répercussions négatives sur leur milieu. La planification locale et régionale de l'utilisation des terrains est maintenant très évoluée. Aujourd'hui, presque tous les immeubles, structures et installations qui doivent être implantés à l'intérieur des limites d'une ville font l'objet d'une planification préalable et sont intégrés au milieu pour minimiser les répercussions négatives.

Cependant, certains immeubles, structures et installations relèvent exclusivement de la compétence des gouvernements fédéral ou provinciaux. Quand l'un de ceux-ci doit être implanté à l'intérieur des limites d'une municipalité, un mécanisme de consultation, officiel ou non, est généralement intégré au processus d'autorisation pour s'assurer que l'on tienne pleinement compte des opinions et des intérêts locaux, à titre soit de facteur important, soit de facteur déterminant.

Actuellement, quand des antennes radio sont implantées et érigées au Canada, il n'y a pas de consultations et, de plus en plus souvent, les administrations municipales demandent au gouvernement fédéral de préciser dans quelle mesure les règlements municipaux s'appliquent aux antennes radio et à leurs bâtis. En mars 1987, le ministère fédéral des Communications a commandé la présente étude dans le but de recueillir les données historiques, techniques, politiques et juridiques qui lui permettraient de répondre à cette question. L'un des objectifs de l'étude était l'élaboration de lignes directrices détaillées à l'intention des administrations municipales intéressées à rédiger des règlements municipaux concernant l'implantation et l'exploitation d'antennes radio.

L'étude a été effectuée en mai et juin 1987. Certaines municipalités ont été visitées et plus de 30 personnes, représentant les administrations fédérale, provinciales et municipales et l'industrie, ont été interrogées. Des recherches ont été menées à la faculté de droit de l'Université du Nouveau-Brunswick et à l'administration centrale du ministère des Communications à Ottawa.

Je tiens à remercier Mary Hatherly, professeur de droit constitutionnel à l'Université du Nouveau-Brunswick, qui a agi à titre de conseil aux termes du contrat et qui a rédigé la section consacrée à la division constitutionnelle des pouvoirs en matière de radiocommunications. David Cameron et Angela Crandall, étudiants à la faculté de droit de l'Université du Nouveau-Brunswick, l'ont assistée dans ses travaux. Linda Hansen, de la section des archives universitaires de la bibliothèque Harriet-Irving de l'U.N.-B., a mené des recherches sur quatre-vingt-cinq années de l'histoire des radiocommunications à l'aide de documents parlementaires et de documents d'archives.

À titre de directeur des recherches, j'assume l'entière responsabilité de toute omission ou erreur.

Professeur David Townsend
Faculté de droit
Université du Nouveau-Brunswick
Juillet 1987

Remerciements

Je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont mis leurs compétences au service de la présente étude. Je tiens à remercier spécialement les représentants des gouvernements et de l'industrie qui ont été consultés, en personne ou par téléphone, relativement aux questions politiques, stratégiques, techniques et juridiques soulevées en cours de l'étude, et dont le nom apparaît ci-dessous, par ordre alphabétique.

Jack Anderson, gestionnaire du bureau de district, Victoria, C.-B., ministère des Communications, Canada; AnneBastedo, rédactrice de textes législatifs, Community Planning Division, Nova Scotia Department of Municipal Affairs; PierreBeckmans, planificateur principal, Ontario Association of Municipal Affairs; RobertBenson, conseil de la reine, Ligue canadienne de la radio amateur; RonaldBegley, directeur général, Réglementation de la radiodiffusion, ministère des Communications, Canada; NormanBlumenthal, membre, F.C.C. Review Board, Federal Communications Commission, Washington, D.C.; RalphCameron, Instruments and Communications Group, Tektronics Canada Inc.; MichaelCaine, président, Central Canada Broadcasters' Association; Robert Cleveland, Office of Engineering and Technology, Federal Communications Commission, Washington, D.C.; WilliamCochrane, greffier municipal, District of Oak Bay, C.-B.; John (Harry)Eldson, directeur, Building and Planning, District of Oak Bay, C.-B.; A.G.(Sandy) Day, conseil technique, Ottawa; Maurice DuPont, Private Radio Bureau, Federal Communications Commission, Washington, D.C.; FredFinn, avocat, Satellite Television Industry Association (Space), Washington, D.C.; MarthaFletcher, gestionnaire, Bureau de radiotélédiffusion, ministère des Transports et des Communications de l'Ontario; RichardGensiorek, superviseur, Services mobiles, région du Centre, ministère des Communications, Canada; RosealeeGorman, analyste des politiques, Satellite Radio Branch, Federal Communications Commission, Washington, D.C.; TerryHaines, General Attorney's Advisor, Policy and Rules, Federal Communications Commission, Washington, D.C.; MiltonHarmelink, directeur, Radiodiffusion et Câblodistribution, ministère des Transports et des Communications de l'Ontario; R.J.(Bob) Harrison, président, Nowell Communications, Winnipeg, Manitoba; DonaldMarshall, directeur du génie, LeBlanc & Royle Communications, Inc.; JohnHoward, gestionnaire, Services techniques, région du Pacifique, ministère des Communications, Canada; ChristopherImlay, avocat général, American Radio Relay League; David Lyon, directeur général, région de l'Ontario, ministère des Communications, Canada; JohnMcKendry, secrétaire adjoint, Radio Frequency Management Division, Department of Communications, Australie, (au MDC, Canada, dans le cadre d'un programme d'échange); ChristopherNation, avocat de la ville, District of Saanich, C-B; Eileen Overend, rédactrice de textes législatifs, Législation et règlements aéronautiques, Transports Canada; KevinPatterson, gestionnaire régional, Autorisation, région du Centre, ministère des Communications, Canada; JohnQuigley, directeur général, région du Pacifique, ministère des Communications, Canada; LindaRankin, V.-P., Services de télécommunications, Télésat Canada; Joseph Robertson, professeur, faculté de droit, Université du Nouveau-Brunswick; WayneStacey, ingénieur-conseil, Association canadienne des radiodiffuseurs; MerleStyles, gestionnaire, Contrôle du spectre, région du Pacifique, ministère des Communications, Canada; RichardTaylor, directeur exécutif, Union of B.C. Municipalities; Bruce Tonner, agent technique, Perfectionnement des méthodes d'exploitation, Société Radio-Canada; KennethVance, analyste des politiques, Union of B.C. Municipalities.

Table des matières


Les municipalités canadiennes et la réglementation des antennes radio et des bâtis d'antennes
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I. Introduction

La radiocommunication, de par sa définition même, implique l'émission, la transmission et la réception d'énergie à haute fréquence se déplaçant dans l'espace, d'un appareil radio à l'autre sans guide artificiel tel que fil ou câble.1 Cette transmission requiert une antenne au point d'émission et une autre au point de réception, bien que la fréquence, la puissance, le type, la taille, la forme, la hauteur et le bâti des antennes puissent varier beaucoup en espèce. Depuis plus de 55 ans, il est admis, en droit constitutionnel canadien, que la réglementation des propriétés et des caractéristiques techniques des appareils d'émission et de réception, antennes comprises, relève exclusivement du gouvernement fédéral.

Par ailleurs, presque toutes les administrations municipales du Canada, par délégation du gouvernement provincial respectif, ont le pouvoir d'édicter des règlements en matière de santé, de sécurité et d'esthétique des bâtiments et des constructions diverses sur leur territoire. Cette réglementation foncière s'effectue par le moyen de plans d'aménagement et de règlements ayant force exécutoire et oblige toute personne voulant bâtir une propriété dans la municipalité. Légalement, la municipalité ne possède que les pouvoirs qui lui sont expressément délégués, et le gouvernement provincial ne peut déléguer que les pouvoirs qui lui appartiennent légalement.

Le choix de l'emplacement, ainsi que la construction et l'exploitation d'antennes radio peuvent être, dans certains cas, cause d'inquiétude, en ce qui touche la santé, la sécurité, l'économie, l'environnement et l'esthétique, pour ceux qui demeurent et travaillent à proximité. La réglementation fédérale y fait explicitement référence, mais d'autres aspects controversés sont passés sous silence. Historiquement, dans le domaine des radiocommunications, le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire de ses divers représentants (aujourd'hui le ministère des Communications), a surtout veillé à ce que tous les systèmes de radiocommunication autorisés fonctionnent efficacement et sans accrocs, eu égard aux limitations techniques imposées par le spectre des fréquences radioélectriques.

Depuis quelque temps et de plus en plus souvent, les municipalités, leurs porte-parole sur le plan provincial et national, ainsi que certains ministères provinciaux, se plaignent du fait que le choix de l'emplacement et que l'exploitation de certaines antennes radio ont parfois sur leur milieu immédiat des répercussions considérables à l'égard desquelles les règlements fédéraux sont muets ou inadéquats.2 On a donc demandé au ministère des Communications d'expliciter les limites légales de sa compétence en matière de radiocommunication, de sorte qu'on puisse déterminer si la constitution canadienne a réservé aux gouvernements provinciaux certains pouvoirs pouvant être délégués aux administrations locales afin de réduire au minimum ou d'éliminer les effets indésirables causés par le choix de l'emplacement et par l'exploitation de certaines antennes radio.

Depuis plus de 10 ans, le ministère des Communications répond en citant une opinion juridique rendue par le ministère fédéral de la Justice sur cette question au milieu des années 70. On peut y lire, entre autres :

« Puisque la législation sur les radiocommunications est du ressort exclusif du gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités ne peuvent adopter de lois ou de règlements, selon le cas, ayant trait directement aux radiocommunications. Cependant, un règlement municipal en bonne et due forme traitant du zonage local et n'ayant trait qu'incidemment aux radiocommunications peut coexister avec les lois fédérales à condition qu'il n'interdise ni ne restreigne indûment la prestation de services radio ou le fonctionnement de stations radio détenant une licence fédérale. » (italique ajouté) (traduction)

En admettant pour le moment que l'énoncé illustre correctement l'état actuel de la législation, le problème que pose cette décision réside dans le fait qu'elle est trop générale pour servir effectivement aux personnes appelées à rédiger des règlements municipaux constitutionnellement valides. On ne peut pas savoir si une relation ou un effet se présente directement ou seulement incidemment, tant qu'on n'a pas cerné avec un certain degré de précision les intérêts fédéraux entourant le choix de l'emplacement et l'exploitation d'installations de radiocommunications. Or, ces précisions n'ont jamais été apportées parce que l'étendue et la nature des intérêts fédéraux en matière de radiocommunication sont liées à l'utilisation effective et pertinente du spectre des fréquences radioélectriques et peuvent donc varier selon les aspects techniques, juridiques et politiques propres à chacune des utilisations, voire à chacun des utilisateurs du spectre.3 Ainsi, pour pouvoir édicter des règlements ayant une incidence sur les radiocommunications, les municipalités doivent disposer de principes généraux et de précisions au sujet de ces aspects techniques, juridiques et politiques, et détenir nombre de renseignements détaillés sur les exigences relatives à l'exploitation des divers types d'antennes et de bâtis dont elles veulent régir les effets locaux.

La présente étude est destinée à combler ces lacunes. À cet effet, le présent document se subdivise comme suit : Introduction, Les antennes radio et les bâtis d'antennes, Analyse des compétences constitutionnelles en matière de radiocommunication, La réglementation en matière d'antennes radio et de bâtis d'antennes aux États-Unis, Indications concernant les règlements municipaux et Conclusion.